Pascal Quignard, L’Origine de la danse
Cela va sans Lire
Voilà près de 20 ans que Pascal Quignard n’est pour moi que l’auteur de Tous les matins du monde. Il m’était jusqu’à peu inconcevable de lire autre chose de lui. La perfection de ce roman, entre littérature et musique, et le film de Corneau gravé dans mes souvenirs d’adolescence, relèvent de l’immuable. Tout a dû se jouer dans le titre, L’Origine de la danse!
Quignard pose justement la question des origines et détaille sa pensée critique à travers le prisme de la danse. Ce texte naît de réflexions autour du livret Medea, qu’il écrivit en 2011 pour un spectacle de la danseuse de butô, Carlotta Ikeda. À partir de là, Quignard développe sa fascinante méditation sur la danse, qu’il croise avec ses souvenirs personnels, avec l’histoire, la mythologie ou encore la Bible. Par le biais de la danse, qui chez lui embrasse tous les mouvements primordiaux, il remonte aux origines, à l’exploration de la naissance, du coït («danse qui fabrique le nouveau corps»), à la danse invisible de l’enfant dans le ventre de sa mère («la danse perdue»), jusqu’à la chute dont l’enfant ne cessera de se relever (l’enfant «tombe d’une femme»): «Il y a une danse perdue (dans le corps tombé, désorienté, souillé, atterré, vagissant) lors de la nativité des enfants. La cérémonie de la danse perdue, en japonais l’ankoku butô». Son livre est littéralement nourri par des termes rares, des rapprochements érudits, des mots empruntés aux sciences… l’écriture de Quignard va loin, très loin et on reste admiratifs de page en page. Tomber et se relever, naître et renaître, tel est le tourbillon de derviche tourneur dans lequel Pascal Quignard nous entraîne.